L'inévitable remontée des taux d'intérêt
- Samuel Marguet
- 23 janv. 2022
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 25 janv. 2022
Cher lecteur, membre du site www.realexpert.ch et confrères, est-il venu le temps de se préparer à une augmentation des taux d'intérêt ? Dans les faits, elle a déjà commencé, mais va-t-elle durer ?
Pour ce faire, regardons de plus près l'évolution du marché et l'influence des facteurs économiques sur les taux d'intérêts obligataires à long terme. Pourquoi les taux d'intérêt des obligations? Car ces taux sont en général suivis par les hypothèques à taux variable selon le graphique ci-dessous:

Voici une formule permettant de calculer les taux d'intérêt à long terme (taux obligataires des pays)
Taux d'intérêt à long terme = Taux intérêts court terme + Cout de l'opportunité + prime de risque
la prime de risque est calculée selon :
l'inflation
le taux de croissance
les comptes publics, la dette et la crédibilité des États
Voici l'évolution en chiffre de ces trois facteurs (1) INFLATION - (2) TAUX DE CROISSANCE - (3) COMPTES PUBLIC, coté Europe, américain et suisse:
(1) L'inflation (hausse globale des prix) est bien présente, et atteint un taux de 5% dans la zone euro (voir le graphique ci-dessous, qui compare l'inflation avec le taux directeur de la BCE). Ceci est dû à l'effet "planche à billets", stratégie de la BCE (banque centrale européenne) la BNS (Banque Nationale suisse) et de la FED (banque centrale des États-Unis) afin de relancer l'économie.

Il fut légitime de faire "tourner la planche à billets" (cette expression signifie qu'un État ou une banque centrale crée de la monnaie afin de financer son fonctionnement) afin de soutenir l'économie dans un contexte de pandémie. Mais dans le paradigme actuel d'inflation atteignant les 5% pour la zone euro, la BCE ne va pas pouvoir maintenir ce cap si elle veut remplir sa mission de maintenir la stabilité des prix (selon l'art 127 TFUE).
Du côté américain, la Réserve fédérale américaine a annoncé une augmentation des taux par palier afin de diminuer l'effet de l'augmentation des prix qui atteint 6,9% aux USA, leur plus haut taux d'inflation depuis juin 1982 (voir graphique ci-dessous) ! La BNS va être donc mise sous pression par cette augmentation des taux outre-Atlantique.

En Suisse, l'augmentation des prix à la consommation a augmenté pour atteindre un renchérissement annuel de 1.5% en décembre 2021 par rapport au même mois de l'année précédente.

Un élément également à observer est l'inflation des prix à la production, qui a atteint des sommets historiques.
Ce qui signifie que les importations peuvent fortement décroître et que l'inflation générale doit diminuer afin que les pays concernés gardent leur compétitivité.
| Glissement annuel des prix à la production fin 2021 | Un plus haut historique depuis |
Espagne | 33.1% | sommet historique |
Italie | 22.1% | sommet historique |
Zone Euro | 23.7% | sommet historique |
Allemagne | 19.2% | sommet historique |
France | 16.3% | sommet historique |
Etats-Unis | 9.7% | août 2008, puis juin 1981 |
Japon | 8% | janvier 1981 |
Suisse | 5.1% | 2018 |
Cette hausse des prix est donc généralisée, ce qui va pousser les banques centrales à réagir afin de lutter contre cette inflation.
(2) Côté PIB (produit intérieur brut = indicateur économique qui permet de quantifier la production de richesse), l'Europe est fragile avec un PIB qui peine à grimper. Prenons l'exemple de l'Allemagne, son PIB est en chute libre, notamment dans le secteur des services (voir graphique ci-dessous). La pandémie n'étant pas terminée avec l'arrivée des nouveaux variants, une récession est un scénario aujourd'hui imaginable en Allemagne.

Les États-Unis ont cependant un PIB solide de 5.6% avec un taux de chômage relativement faible à 3,9%, ce qui leur permet de supporter une augmentation des taux.
La Suisse fait bonne figure pour l'instant dans sa croissance grâce notamment à son secteur pharmaceutique. Cependant, les pronostics de croissance sont à la baisse, il est prévu une progression 2,3% en 2022 et de 1,6% pour 2023, contre des prévisions de 3,3% en 2021.

Pour se faire une idée des perspectives mondiales économiques à la baisse, voici la variation du PIB réel en % de quelques grandes puissances économiques :
| 2020 | 2021 | 2022 |
Etats-Unis | -3.4 | 5.6 | 2.9 |
Japon | -4.6 | 1.6 | 1.2 |
Zone Euro | -6.5 | 5.3 | 2.3 |
Allemagne | -4.9 | 2.8 | 2.4 |
France | -8 | 6.9 | 2.3 |
Italie | -9 | 6.5 | 1.8 |
Royaume-Uni | -9.4 | 7.9 | 3.4 |
Chine | 2.2 | 8.3 | 5.3 |
Inde | -6.9 | 8.3 | 7.9 |
Monde | -3.1 | 5.7 | 3.4 |
Suisse | -2.4 | 3.3 | 2.3 |
(3) Un niveau record des dettes publiques et déficits budgétaires. La France a augmenté sa dette qui atteint des sommets, on se rapproche d'une dette de 3'000 milliards, soit 120% de son PIB !
La dette anglaise a franchi le cap des 100% de dette par rapport à son PIB et subit un des plus grand déficit budgétaire mondial, équivalent à 1/5 de son PIB.

Les États-Unis ont enregistré en 2021 leur deuxième plus grand déficit budgétaire depuis la Seconde Guerre mondiale tandis que la dette fédérale a continué de grimper au-delà du PIB pour atteindre 125% de son PIB.
Voici un tableau permettant de se rendre compte de l'augmentation des dettes publiques en Europe (les montants représentent des ratios de la dette publique / PIB en %).
| Au T4 2019 | Au T4 2020 | Fin 2021 |
Grèce | 180.5 | 205.7 | 211 |
Italie | 134.3 | 155.6 | 160 |
Portugal | 116.6 | 135.2 | 139 |
Espagne | 95.5 | 120 | 124 |
France | 97.5 | 115 | 120 |
Chypre | 91.1 | 115.3 | 119 |
Belgique | 97.7 | 112.8 | 114 |
Zone Euro | 83.6 | 97.3 | 103 |
Allemagne | 58.9 | 68.7 | 70 |
Suisse | 39.8 | 43.1 | 45.7 |
Conclusion: en une année, nous pouvons déjà observer l'augmentation des taux d'intérêt des obligations d'États à 10 ans selon le tableau ci-dessus.
Taux d'intérêts des obligations d'Etats à 10 ans | En janvier 2021 | le 17 janvier 2022 |
---|---|---|
Etats-Unis | 1,01% | 1,8% |
Grèce | 0,6% | 1,61% |
Italie | 0,5% | 1,37% |
Espagne | 0,03% | 0,66% |
France | -0,37% | 0,36% |
Allemagne | -0,6% | -0,026% |
Suisse | -0,525% | 0,023% |
Selon des 3 éléments: Inflation - PIB - dette publique qui ne cessent de se dégrader avec une pandémie qui persiste, nous pouvons conclure que les banques centrales vont augmenter leur taux, de manière mesurée.
La conséquence de cette augmentation des taux obligataires se fera sentir sur le marché boursier, qui risque de réagir à la baisse, ainsi que sur les taux hypothécaires qui vont suivre cette tendance haussière.
Pour plus d'information et questions à ce sujet, vous pouvez nous contacter via notre site https://www.realexpert.ch/contact.
Sources : BNS, ACDEFI (http://www.acdefi.com), OFS, UBS, Eurostat.
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